En observant tes pieds...
En observant tes pieds
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En observant obstinément
tes pieds tu t'avances dans l'irrémédiable
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Sur ton épaule gauche un perroquet fictif
dont tu ne sens que les pattes
te murmure toutes sortes d'insanités
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En observant obstinément
tes pieds tu t'avances dans l'irrémédiable
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Autour de toi le monde mêle abjection et beauté
Tu croises un joli visage adolescent
Impossible aujourd'hui de savoir si c'est fille ou garçon
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En observant obstinément
tes pieds tu t'avances dans l'irrémédiable
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Les gens devant les vitrines éclairées
parlent tout seuls dans leurs téléphones
comme autrefois les clochards à l'esprit dérangé
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En observant obstinément
tes pieds tu t'avances dans l'irrémédiable
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Au moins ces errants s'adressaient-ils
à quelque invisible divinité
et non à leur collègue de bureau ou de coucherie
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En observant obstinément
tes pieds tu t'avances dans l'irrémédiable
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Toi tu est l'être d'un seul amour hélas
dont tout autour de toi est imprégné comme un buvard
qu'envahit lentement une tache couleur de sang
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En observant obstinément
tes pieds tu t'avances dans l'irrémédiable
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Rivage
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Vent d'automne vent d'hiver
À contre-souffle tête la première
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Sous les branches les arbres chantent
à voix de nymphes désaccordées
brisant dans l'étang le cristal des nuages
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Vent d'automne vent d'hiver
À contre-souffle tête la première
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Je ne suis pas d'ici Pas d'ici mais d'ailleurs
Là-bas la mer est tiède et les gens sont meilleurs
Aux arbres bleus on voit des galets de couleur
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Vent d'automne vent d'hiver
À contre-souffle tête la première
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Pour marcher dans les rochers instables
tu me donnais la main feignant la peur
La vague éclaboussait le sable et tes pieds nus
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Vent d'automne vent d'hiver
À contre-souffle tête la première
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L'été dans les flaques saumâtres
jetait des feux qui s'allumaient comme des fleurs
Et le soir on restait longtemps coeur contre coeur
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Vent d'automne vent d'hiver
À contre-souffle tête la première
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L'air était jeune et respirable dans mes bras
Ton haleine douce murmurait tout-bas
Et ce que tu disais ressemblait au bonheur
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Vent d'automne vent d'hiver
À contre-souffle tête la première
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Juanito Laguna
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Une chanson familière de ma vie d'autrefois,
à la surface de mes années ramène,
au fil de ma mémoire, Juanito Laguna
son cerf-volant et son espérance d'azur !
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Quelle admiration il faut réserver
à des personnages comme ce garçon !
Ils ont cette puissance de vivre
radieuse à travers toutes les mélancolies !
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Comme si misère et favelas n'avaient pas
de prise sur l'humeur ensoleillée des enfants.
Comme si leur élan vers la survie et la joie
avait désillusions et chagrins pour carburant !
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Instant
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Ce serait comme un navire tanguant sur les arpèges de la mer,
la voix de mon roseau comme l'eau glissant au long de la coque.
L'odeur de l'iode imprégnerait le pont mouillé aux lattes parallèles.
Au loin profilés balancent les palétuviers d'une île chimérique
d'où les sautes de vent apportent le rasgueado grêle du charango...
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La Justice
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Quoiqu'il arrive, certains n'ont droit qu'à la nuit. Le grincement des brindilles entre elles, dans les buissons qui font des cauchemars végétaux à base de gel, de taille haies, de jardiniers féroces ! Le grincement inaudible de la pleine lune qui scie un nuage. La chouette qui hèle l'autre chouette dans l'obscurité feuillue du bois.
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Au fond de leur coeur des pierres ivres de silence violet cristallisent des améthystes et des grottes accumulent les concrétions de quartz hérissées ainsi que de transparents oursins. C'est le même noir dont sédimente la substance du désespoir en la caverne de notre crâne, laquelle seule a quelque chance de résister au niagara des siècles
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Songeant à nos enfants et aux enfants de nos enfants, à qui, dans un moment d'égarement couleur d'ivresse, nous avons transmis le flambeau mortel, nous nous présentons, vieillards, face à notre vie accusatrice. La voici à la fin de notre route, rocher de granit sourd en travers du chemin avec son serpent et l'aigle des nues.
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Cités perdues
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Qui peut comprendre ces poèmes
dont quelqu'un a dit qu'ils « pourraient rendre fou » ?
Faire semblant d'être consensuel,
faire semblant que nous pourrions ensemble donner
une réelle organisation au Chaos,
déclarer qu'est exacte une vérité collective
qui dépend du peuple au sein duquel on est né,
impossible !
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Impossible de céder ! Impossible de croire !
Les civilisations sont pareilles à ces cités de science-fiction
que les illustrateurs dessinent en lévitation dans le ciel !
Elles sont chacune suspendues dans l'atmosphère de leurs langues,
mais il suffit que la magie de leur verbe s'en efface
pour qu'elles se fracassent au fond de l'abîme !
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Qui se souvient d'Ebla ou de Tenochtitlan, de Lankhmar
ou de Lagash, de Mari, d'Urkesh, d'Uruk, d'Éridu, de Louthal,
de Tikal, de Lolan, de tant de mondes bariolés, merveilleux, étranges
bâtis de mains humaines en des travaux cyclopéens ?
Leurs parlers avaient coordonné leur éclosion,
rendu possible leur essor qui semblait immarcessible :
les malentendus et le silence les ont éteintes.
Le Chaos a gagné contre les sages et même contre les poètes
qui un temps, un temps seulement avaient cru l'apprivoiser !
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Visage de l'Aleph
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Confidentiel ce mouvement - hypnotique
comme des yeux de chat – ce mouvement
de la pensée
qui paraît et décline aussitôt son éclat
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Un diamant aux facettes indéfinissables
Tout ce qui s'y reflète
aimanté par une envie de géométrie
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Ou encore ces écailles magnifiées
de papillon qui clignent
lentement au soleil d'une giroflée
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Ce qui me vient à l'esprit ainsi
voltige et par cercles concentriques embaumés
des tourments d'un oxygène scintillant
tourne autour du visage féminin
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passionnément aimé
dont l'or masque en surimpression
l'univers qui fut ma vie...
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Sous la glace
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Casser la géode fabuleuse de notre langue maternelle, pour y trouver (peut-être) le brillant argenté qu’elle recèle – voilà ce dont, jeunes, rêvent les poètes, chineurs de silence.
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Bien plus tard, acérés de s’être usés sur la pierre parolière, en eux s’atténue le besoin brutal de trangresser manifestement : si les coups d’éclat éblouissent, leur violence lasse.
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Alors le poignard se change en archet, comme l’été en automne. Les intimes glissandi du vent caressant les feuilles font rougir les hauteurs, alchimie que le soleil achève en or.
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S’efforçant de repousser l’insinuante influence du gel, la source extorque au noir un éparpillement de reflets magiques et sa transparence désaltérante bouillonne sur les cailloux clairs.
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Même lorsque le site sera pétrifié par l’immaculé, lorsque neige aura tout simplifié, affaibli les échos et blanchi les apophyses des roches, l’eau chantera toujours, libre sous la glace.
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Notas fugitivas
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En rond là-haut l'épervier à la lisière des futaies, refrain matérialisé du vent.
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Le cycle du temps, hélas : mais nous échappons malgré nous à sa chanson.
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Un chiffon de nuages, pour effacer de la vitre du désert illusions et mirages.
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J'ai même connu des années heureuses, belles comme poulains échappés.
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Voix aiguës de Mai, avec lauriers roses foisonnant, muselées désormais.
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Ni je n'entendrai plus l'écho saturé de chaleur des cordillères de l'Août.
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La poésie busquée, dansant parmi l'envol diapré de ses jupons de vigogne.
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Auprès des joueurs de kéna, on apprend à gérer une folle joie désespérée.
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Jour de spleen
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Il fait tellement gris que l'on a l'âme à l'élégie
On se sent aussi vieux qu'un Dit de Ruteboeuf
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Par son versant féminin ladite âme est régie
Ô cœur gros lourd et plein comme un oeuf
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L'humeur oscille entre rhum agricole et mélasse
dans la maison de l'ombre aux ailes de corbeau
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Aujourd'hui nul chérubin ne nous fera visite hélas
La solitude a comme un avant-goût de tombeau
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Un appel indistinct me tourmente et m'inspire
Il est tout ensemble pollen d'ambre étoile et fleur
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Le ciel boursouflé de nuages suggère le pire
Quelque part sans lumière il prépare ses pleurs
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C'est par des jours comme cet aujourd'hui malade
qu'on se souvient - au milieu du présent déserté
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ainsi qu'un vieux cargo par ses marins laissé en rade -
des amis de jadis qui nous ont de longtemps quittés...
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Bilan automnal
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La respiration de la planète
sous mes pas vivante
comme le pont d'un navire
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avec pour figure de proue
le visage serein et féminin
du vent plaqué sur mon visage
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Tente-t-il d'y décalquer ride par ride
le masque des années dorées
dont ma mémoire affuble le passé
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Ou bien serait-ce que j'ai vraiment vécu
la merveille permanente grâce à quoi
Aïlenn sut enchanter le plus clair de ma vie ?
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Talentueux poètes
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Jamais le poème ne m'a laissé en repos.
Devant moi ainsi qu'une falaise blanche
en laquelle, avec un ciseau de vent,
une force mystérieuse m'enjoint de sculpter
toutes sortes de figures inexplicables...
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Et jamais ce n'est simple, et jamais aisé,
toujours un combat avec l'ange,
une insomnie diurne, un effort déchirant
dont on ne devra jamais rien laisser paraître !
(D'autant qu'il est à tous inconcevable.)
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Combien j'admire les autres poètes,
si doués qu'il alignent des vers magiques
avec nonchalance et s'ils publient un recueil,
des dizaines de lecteurs enthousiastes
font la queue pour l'acquérir chez les libraires ;
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Aèdes qui parlent bellement de la nature,
du dieu caché dans sa création,
et savent rendre touchants mille détails
intimes de leur existence, alors qu'elle est
non moins banale et quotidienne que la mienne !
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Extinction du poème
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L'hiver d'autrefois. Son âtre face auquel on songe
un verre de liquide ambré suspendu entre les doigts
pour se sentir confortable. Et s'avance la nuit,
parmi le silence des choses assoupies, jusqu'à
l'ultime étincelle qui craque vaincue par la cendre.
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Sous l'apparence éteinte ronronne la braise d'or ;
elle respire à peine sous la couche qui filtre l'oxy-
gène bleu. Errantes, des pensées hétérogènes sinuent
à travers l'obscurité de plus en plus épaisse...
Une porte s'ouvrira-t-elle à la volée, un courant d'air
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va-t-il ranimer la flamme dont les dents soudain
vont étinceler en remâchant les ombres fatiguée
comme ces chewing-gum insipides qu'on se passait
et repassait au mépris de l'hygiène à l'école ?
Sur moi je sens peser la cendre opaque des siècles !
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Antinomie
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Maintenant que des satellites surveillent le globe
par toutes ses faces et qu'il analysent les profondeurs
de l'univers, l'imagination estime que l'humanité
peut se passer du regard ubique de telle ou telle invisible
divinité dont ses primitifs aïeux avaient eu l'intuition.
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Se repose alors la question de ce qui fait exister
pour un simulacre d'éternité toute chose en splendeur,
depuis le ciel étoilé jusqu'au moindre champ de boutons d'or...
Et l'on demeure fasciné par la science édificatrice des castors,
des arbres ou des fourmis. Par l'aisance du vol des mouettes.
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Par la science des saumons, des tortues, des migrateurs
spécialistes des eaux, des airs, des ondes magnétiques.
Par la Nature, en somme, avec son obstination amoureuse,
ses trouvailles prodigieuses que l'homme peine tellement
à s'expliquer : Nature pleine de sens quand même elle est Chaos !
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Réminiscence fugace
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Elle disait – je me souviens : à cette époque-là
je venais d'arriver, j'étais jeune, fraîche, je croyais
tout ce que vous me disiez... Mais maintenant
c'est fini, je ne vous crois plus, ni vous ni les
politiciens, ni les journalistes, ni les curés...
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Moi, pendant ce discours, j'écoutais. Les nuages
se déformaient dans mes yeux-au-ciel. Une senteur
d'eau de Cologne flottait dans l'air. Une bise posait
par instants sa sensation de froid flocon sur ma joue,
me rappelant qu'en d'autres temps j'aurais pu être aimé.
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La Maison-Dieu
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Prenons tes cubes, Ezra, et construisons une tour.
Tu vas en riant te précipiter pour la démolir
de trois coups de patte ainsi qu'un bébé lion.
Je vais reconstruire patiemment une autre tour.
Narquois, à peine l'aurai-je achevée, tu l'effondreras
en éclatant d'un rire satisfait puis te jetant dans mes bras
pour te faire pardonner. Alors je reconstruirai encore
la tour de cubes, bien droite, bien haute. Toi, cette fois
tu me regardes un instant hésitant puis, subitement,
une force irrésistible te pousse à récidiver ! Moi,
inlassablement je reconstruis. Et toi tu redétruis !
Le même bonheur entre nous : je sais que les enfants
et les poètes ressentent la même impuissance. Tout
ce que je peux t'offrir, cher petit Ezra, c'est l'illusion,
- en détruisant d'un coup mes édifices avec la joie
de voir changée en force ta faiblesse - d'être un dieu...
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